Le Jour De Ma Mort
936 viewsLe jour de ma mort, je serai (temps futur et non conditionnel, ceci étant une histoire vraie) accueillie à bras ouverts par Dieu.
Ille* me donnera une longue étreinte pleine d’amour, et je me sentirai toute petite et grandiose à la fois.
Puis viendra le moment de l’interrogatoire pour voir si je mérite d’aller au Paradis, et je penserai que maintenant est probablement le moment idéal pour commencer à me ronger littéralement mes ongles (en m’inquiétant si le vernis que j’avais mis avant de mourir est toxique ou pas).
Le regard baissé et la mémoire en mode de fonctionnement extrême à la recherche d’une quelconque bonne action que je pourrais brandir et s’écrier : « Ahan, regarde, je suis une sainte moi, ouvre-moi les porte du paradis et fais moi entrer », j’attends les questions qui ne tardent pas fuser :
– Combien de gens as-tu fait rire durant ta vie?
Non mais Oh!! Est-ille sérieuxe*? C’est quoi cette question? Mon sourcil se relève jusqu’à toucher la racine de mes cheveux.
– A combien de personnes as-tu offert un transport dans ta voiture?
Ah bon! Ille s’en fiche de la marque de ma voiture?!!?? Puis-je au moins lui montrer sa photo?
– As-tu pris soin de ta planète?
Hein ! Dieu fait partie de Green Peace?
– As-tu aidé la dame qui portait un sac plus lourd qu’elle?
Euh, oui. Mais le sac était plus lourd que moi, alors la dame a dû le porter et me porter avec!
– As-tu passé tes jours à critiquer les gens (comment ils/elles marchent, s’habillent, parlent…)?
– As-tu laissé passer le monsieur qui avait uniquement 3 produits et qui attendait derrière toi son tour à la caisse?
– As-tu…
– As-tu……
Ma tête tourne. Mais où est-elle donc cette question fatale? Celle qui va me faire blêmir et balbutier et perdre connaissance?
Je ne sais plus quoi répondre ! Oui j’aime faire rire les gens. Oui ma voiture est à la disposition de tout le monde. Oui je recycle, oui je…Mais, mais, tu le sais déjà tout ça! Tu t’amuses à voir la surprise dessiner toutes sortes de schémas sur mon visage ou quoi?
Mais non, ille ne s’amuse pas. Ille me regarde avec bonté, et me lance:
– Bienvenue au paradis.
Oh mon Dieu!!! Dieu a perdu la raison!
Ille me fait entrer au paradis parce que j’ai refermé le robinet pendant que je me brossais les dents!
Eh oui maintenant, je peux dire que j’ai tout vu!
Mais qui suis-je pour contester sa décision? Ille m’offre le paradis, gratuit. Profite vite avant qu’ille ne change d’avis, ce n’est pas le moment de jouer la sainte. Si Dieu se trompe, qui suis-je pour lae* rectifier. Yalla. Au paradis? Au paradis.
Et voici comment je serai un jour assise sur un cirrus castellanus, mangeant du pop corn, et ricanant méchamment en observant les voitures passer des heures entières prises dans les embouteillages terrestres (maintenant je peux le faire, je suis déjà au paradis)
Epilogue
Toujours assise sur mon cirrus castellanus, la bouche pleine de pop corn, je me débats contre moi-même afin de réprimer la question qui essaie effrontément de pointer dans mon esprit (de peur que Dieu ne l’entende et ne me mette à la porte).
Dieu sait-ille que je suis homosexuelle ? Si non, quelle catastrophe, je vais commencer à douter de ses capacités. Mais si oui…
Si oui? Je déglutis péniblement. La question explose dans ma tête, en même temps que la réponse. Dieu le sait, et ille s’en fiche. Ca ne lui a jamais posé de problème. Ca ne lui a même jamais traversé l’esprit. Je suis comme je suis et ille m’aime. C’est juste un groupe de fanatique sans scrupule qui a fait régner cette idée sur terre, et nous, pauvre troupeau, nous les avons suivis aveuglement ! Ahhhh, quel soulagement. Je peux maintenant, l’esprit libre et léger, retourner à mon activité favorite : la paresse.
Prévert avait bien joliment écrit: Je suis comme je suis. Je suis faite comme ça. Que voulez-vous de plus? Que voulez-vous de moi?
* Dieu n’étant ni femme ni homme, et la langue française pensant bien faire – comme toutes les langues par ailleurs –en installant l’usage des pronoms masculins et féminins sans prendre compte des gens sans genre, je me sens obligée de créer un nouveau pronom, combinant le Il et le Elle : Ille ®.
Du coup, les accords changent.
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