Réduction des Dommages 2011: Les Services Médicaux et les Femmes Queers au Liban

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Présentation par Carine Loutfi, Psychologue Clinicienne, dans le cadre de “La Réduction des Dommages 2011: 22ème Conférence Internationale de l’IHRA.”

Avant même de parler de concept Queer, il faudrait bien parler de la femme Libanaise en tant que telle. Quels sont les services qu’on lui présente ? Par rapport à sa sexualité, à sa vie personnelle, à ses émotions, à son émancipation, à ses droits, à ses libertés et à ses besoins tant physiques que psychiques?

Que trouvez-vous comme support ou publicité pour la femme autour de vous ?

  • Dépistage du cancer de sein, cancer de l’utérus…
  • Crèmes pour vergeture après allaitement (femme enceinte)
  • Crèmes pour culotte de cheval ou cellulite (pour plaire, objet de séduction)
  • Produits de beauté (Botox…) qui réduisent la femme à un objet.

Parler de concept Queer, c’est parler d’un choix d’orientation que la société bannit, lapide et interdit. Les « Queer » finissent en prison à Hbeich où se réunissent les personnes accusées de corruption, de toxicomanie et d’homosexualité.

La femme est à  la base marginalisée dans la société orientale. Que dire alors de la femme Queer qui est totalement mise à l’ombre et condamnée par les lois civiles et religieuses du pays.

Nous pourrons parler de 4 catégories de femmes au Liban :

  1. La femme libertine qui se tue pour forger son chemin sur différents niveaux, intellectualise son besoin pour se faire entendre, s’investit à fond au niveau professionnel pour avoir un statut et son mot à dire, mais qui se trouve toujours obligée à faire des compromis, quelle que soit son orientation.
  2. La femme Queer qui, marginalisée par son orientation, passe à l’acte en voulant transgresser toutes les lois de la société en allant vers la corruption, la consommation de produits illicites, parce que c’est interdit et parce que c’est une question de défi et de provocation.
  3. La femme au foyer, qui n’a aucune autre option que les commérages et la socialisation avec des femmes de la même destinée (femmes souffrant d’addiction tels que l’alcoolisme et la pharmacodépendance (Xanax, Lexotanil, Dianxit ou tout autre anxiolytique en vogue) ou femmes adeptes de tout genre d’intervention chirurgicale esthétique)
  4. La femme qui ne bronche pas, ne bouge pas, accepte sans se questionner. Elle n’est que fille d’un tel, femme d’un tel, mère d’un tel et accepte sa réalité et y adhère corps et âme.

Quand il nous arrive de parler d’addiction et de drogue, on ne peut s’empêcher de parler de la quantité d’hôpitaux et de services de désintoxication présents au Liban. Ils sont nombreux, et sont pour la plupart présents dans l’agglomération de Beirut. Mais comme nous le connaissons tous, les services hospitaliers n’offrent que le sevrage physique (nettoyer le corps des drogues illicites en les remplaçant par des médicaments / drogues licites). Mais il est bien prouvé que le sevrage physique n’est pas une solution, que le travail avec une personne souffrant d’addiction est un long travail, que la toxicomanie en tant que telle est le résultat d’une énorme souffrance psychique qui amène la personne à s’autodétruire et à se punir, et que le châtiment (prison) n’est pas une solution.

Quant aux services de réhabilitation présents au Liban, la majorité (80%) est orientée religieusement, où tout le travail thérapeutique est centré sur la culpabilité.

Les 2 meilleurs centres au Liban et les seuls à recevoir des femmes sont : Oum El Nour (centre de réhabilitation pour hommes et pour femmes séparément) et Skoun (centre ambulatoire), mais nous ne savons pas si ces deux centres respectent l’orientation sexuelle (LGBTQ).

Pour parler de transsexualité  M→F, on doit parler d’hormones, d’œstrogènes, de progestérones. Mais à part les quelques cours de biologie que nous gardons très vaguement au fond de notre mémoire, que savons nous de tout ça ? Que savons-nous des hormones qui gèrent notre système féminin ? Que pouvons-nous dire à nos consœurs M→F à part qu’elles PMSerons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ?

Savez-vous qu’il est plus facile pour une jeune fille libanaise, sexuellement active, de se procurer du « CYTOTEC » que d’acheter une pilule du lendemain, un préservatif ou même une pilule contraceptive ? A savoir que la pilule contraceptive est généralement administrée par prescription médicale pour les filles ayant des ovaires poly kystiques, que le préservatif féminin n’existe pas au Liban, ce qui bannit la liberté sexuelle féminine hétérosexuelle ou Queer, que la pilule du lendemain se vend très nouvellement au Liban et que Le CYTOTEC, médicament utilisé pour l’ulcère, est administré de façon barbare (placé au niveau intra vaginal, il a pour but d’interrompre volontairement la grossesse au cours des premières semaines).

De même, il est plus facile de se procurer de la drogue que de trouver des « sex toys » (le meilleur exemple étant le Haschich qui se vend très cher ailleurs, mais que les libanais cultivent, s’en vantent, fument, vendent tout en l’interdisant). Les toxicomanes finissent toujours en prison pour consommation et en consomment là bas encore plus car dans nos prisons, on trouve tout genre de drogues et de psychotropes !

Parlant de drogue et de consommation, permettez moi de partagez avec vous mon expérience avec un centre de Christo-thérapie :

Qu’est ce que le toxicomane? Qui serait cette personne bannie par la société ? et bien figurez vous que cette personne est un être humain souffrant de blessures narcissiques très grandes, souffrant d’un immense manque de confiance en soi, souffrant d’un grand manque d’affection, d’une grande insécurité…. Qu’elle soit manipulatrice ou rusée, c’est une personne qui est venue, avec tout son manque de confiance, demander l’aide à une équipe de travail qui se dit professionnelle, pour se libérer de son pattern destructif, se lâcher aveuglement, se réhabiliter, et se faire aider à ce qu’elle se retrouve sans drogue.

Frustrer un toxicomane, est une des bases thérapeutiques les plus importantes dans un programme de réhabilitation. La tolérance à la frustration le pousse à s’adapter aux lois, à les respecter, à adopter des limites et à se mouvoir dans un cadre précis, étant donné que tout le passé d’un toxicomane est géré par l’impulsivité et la transgression des lois… Mais il existe une différence immense entre frustrer une personne et l’humilier (la ligoter dehors devant la porte du centre comme un chien au cas où elle a oublié de faire un de ces devoirs). Il faut responsabiliser, et personnellement, j’ai assisté à beaucoup de culpabilisations sans aucune sorte de responsabilisation.

Que fait-on de la femme dans ces centres de réhabilitation? Il faudrait tenter de changer l’image erronée de la femme objet sexuel essayant tantôt d’encourager l’image de compréhension fraternelle et maternelle de contenance psychique et émotionnelle. Quelle image envoie-t-on à ces résidents quand on leur présente une équation noir sur blanc,  femme = drogue. Consumer une femme et consumer de la drogue est-elle une seule et même chose ? La femme se résume-t-elle à être simplement un objet sexuel ? En plus, pensez-vous que l’on peut avorter à la personne sa vie fantasmatique sexuelle? Ne serait- il pas plus adéquat d’aborder des sujets aussi sensibles et vitaux d’une manière professionnelle?

Parlant de masturbation, qui est une attitude sexuelle innée, normale, habituelle, ordinaire, banale chez toutes les personnes, devient dans ces centres une culpabilité  à vivre au quotidien, où le résident est obligé d’en parler à tue tête devant ses confrères et ses accompagnateurs, s’excusant devant son créateur d’avoir daigné pratiquer cette « sale et ignoble » coutume secrète …

Que dire de cette femme qui se présente en tant que Queer… elle se fera soigner de sa toxicomanie et de son orientation à la fois.

Heureusement que tout n’est pas noir. Des organisations comme Meem (groupe de support pour les femmes qui se questionnent sur leur orientation sexuelle, les Queers, lesbiennes, transsexuels) offrent un espace d’expression, un support psychologique, ainsi que des comités qui prennent en charge différents réseaux, sociaux, culturels, et médicaux.


Carine LOUTFI

Psychologue Clinicienne

Psychothérapeute – conseillère

MEEM

Guest Contributor

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